LA JOIE EST UN CADEAU POUR TOUS
"Du temps où j’allais à la messe tous les dimanches, j’appréciais beaucoup un prêtre. J’aimais la joie simple et cordiale dont il témoignait lorsque nous bavardions en petit comité. J’aimais également sa finesse de cœur et l’intelligence avec laquelle il prêchait. J’étais cependant surpris qu’il ne montre pas sa joie dans sa façon d’officier et de prêcher : il parlait sérieusement d’une voix grave, plutôt austère. Je le lui fis remarquer un jour. Il me répondit « c’est vrai que je suis très joyeux, très heureux. J’aime la vie et mon métier de prêtre. Je m’y sens vraiment épanoui. Mais la vie de la plupart des gens est souvent si pénible qu’ils ne comprendraient pas. Je ne peux pas courir le risque de me séparer d’eux en me montrant joyeux comme je le sens. »
J’étais très touché par son intention et, en même temps, stupéfait de constater que cet homme de foi réduisait sa joie pour ne pas déranger. J’y voyais un piège de la pensée binaire, comme s’il se disait « Si je me montre heureux, ils vont se croire rejetés, donc je masque ma joie ! ». J’aurais tellement préféré « Et je suis proche d’eux, sensible à leur souffrance, je les visite, je les écoute, j’en prends soin, et je tiens à me montrer comme je suis et à partager ma joie ». L’Evangile ne dit-il pas : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous les fagots. On l’accroche au lampadaire et elle éclaire toute la maisonnée » ?
(...) La joie intense ferait-elle peur ? Chamaillez-vous par exemple dans la rue à haute voix et à grands gestes, bagarrez-vous même et vous constaterez que la plupart des passants s’écarteront sans vous voir.
Une bagarre c’est normal ! Maintenant, embrassez-vous éperdument ou faites-vous longuement des câlins sur un banc public et vous bénéficierez de regards outrés si ce n’est de remarques désapprobatrices ou même d’une invitation à circuler de la part des gardiens de la paix…Du bonheur, c’est choquant !
Parlez de vos conflits, de vos tracas, de vos maladies, de choses inexorables et sans espoir et on vous écoutera avec sérieux. Parlez de votre amour pour tout ce qui est vivant, de votre confiance croissante dans la vie et de votre joie profonde, et on vous croira membre d’une secte !
(…) vous n’êtes pas là pour confirmer le système dans ses certitudes. Vous êtes là pour être ou devenir joyeusement vous-même ; c’est le cadeau de joie et de vérité dont ce monde, souvent triste et confus, a besoin.
Thomas d'Ansembourg "Etre heureux ce n'est pas nécessairement confortable"