DECIDER D'AIMER
«La joie ne vient pas de ce que vous faites, elle jaillit dans ce que vous accomplissez, et ainsi dans ce monde, depuis le fond de vous-même.»
Eckhart Tolle, Unité avec toute vie
J’ai longtemps eu la période des impôts en horreur. En h-o-r-r-e-u-r! Le simple fait de préparer mes documents pour mon comptable (en fait, le simple fait d’entendre le mot «impôts»!) me donnait des boutons. À peu près toutes les tâches non créatives avaient cet effet sur moi, il faut dire. Oh, si vous vouliez me torturer, vous n’aviez qu’à me demander de classer des documents ou de téléphoner à des compagnies d’assurance pour avoir des soumissions. Chaque fois que je devais faire ce genre de tâches – le genre de tâches qu’un robot aurait très bien pu faire à ma place, à mon avis –, je criais intérieurement. Ce n’était tellement pas en accord avec ma personnalité que c’en était souffrant.
Puis, au fil du temps, j’ai réalisé une ou deux choses : premièrement, même si j’avais pu déléguer ces tâches à un robot, il aurait fallu que je prenne le temps de le programmer (oh, et que je commence par suivre un cours de programmation) – donc je n’allais pas m’en sortir si facilement. ;-) Mais surtout, j’ai compris une chose toute simple, mais assez fascinante, qui a changé ma vie : j’avais tort de penser que je n’aimais pas ces activités. Oui, si je souffrais autant en les faisant, ce n’était pas parce qu’elles n’étaient pas en accord avec ma personnalité… c’était d’abord et avant tout parce que j’avais décidé de ne pas les aimer. J’avais établi qu’elles n’étaient pas dignes de ma pleine attention, alors je les accomplissais avec toute la hargne que le Bon Dieu m’a donnée, toujours pressée de les terminer. Et comment peut-on savourer une chose quand on lui fait la guerre, ou quand on est continuellement pressé?
Ainsi, ce n’était effectivement pas les tâches qui me donnaient des boutons, mais l’état dans lequel j’étais en les accomplissant. Et dès que j’ai commencé à les accepter et à me donner entièrement à elles, j’ai découvert à mon grand étonnement que je les aimais bien, en réalité. Classer des documents est méditatif et relaxant, lorsque je m’applique à bien le faire. Faire des appels peut être enrichissant, grâce au contact chaleureux avec les gens, lorsque je m’enlève de la tête que ce c’est qu’une perte de temps.
En fait, j’ai découvert qu’il n’y a pas une seule chose que je n’aime pas, en réalité. Ou plutôt, qu’il n’y a pas une seule chose qu’il m’est impossible d’aimer.
On pense généralement qu’aimer sur commande est impossible… que l’amour est un sentiment délicat qui ne peut qu’émerger spontanément, dans un nombre bien précis de circonstances. Comme si on n’avait pas notre mot à dire. Comme s’il y avait un espace quelque part dans le cosmos où il est inscrit ce que l’on aime (ou non), et qu’on ne pouvait en déroger.
Quelle drôle d’idée, à bien y penser…
Évidemment, on ne choisit pas nos goûts et nos préférences. Cela dit, même si ce que l’on fait n’est pas tout à fait notre tasse de thé, on peut toujours cultiver un état d’accueil et de réceptivité. On ne peut pas toujours faire ce que l’on aime, mais on peut toujours aimer. Et dès qu’on choisit de le faire, tout devient étrangement agréable. Oui, quand on accepte d’être où on est, et quand on s’investit complètement dans ce que l’on fait, absolument tout est délicieux. La nature précise de nos activités a de moins en moins d’importance, car le «délicieux» ne vient pas de l’action en tant que telle, mais de nous – de notre état harmonieux.
(…)
Ainsi, il y a certainement des tâches ou des activités que vous n’aimez pas particulièrement faire et dont vous ne pouvez vous libérer pour le moment. Que diriez-vous de vous pratiquer à les aimer sur commande, à cultiver un état d’ouverture même si vous avez plein de bonnes raisons de leur opposer résistance? Peut-être pouvez-vous vous déposer en elles, comme dans un bon bain chaud, et retirer votre satisfaction non pas de l’activité en soi mais de votre propre détente.
Oh, plusieurs voient cette souplesse et cette humilité comme une forme de faiblesse… Peut-être est-ce votre cas? Mais si on y pense, c’est au contraire une des plus grandes forces. Car lorsqu’on sait comment aimer même ce que l’on n’aime pas, on peut tout aimer, finalement. Et y a-t-il quelque chose de plus grand?
Marie-Pier CHARRON « lettre magique du 15/04/2013 »