Devenir humain

13/06/2013 10:20

 

Vérifiez si cela vous amuse, votre capacité à écouter quelqu’un développer des idées très différentes des vôtres sur des sujets qui vous tiennent à cœur, sans l’interrompre, sans argumenter, sans combattre. Si vous résistez plus d’une minute sans exploser un « oui, mais… !Moi, je… », BRAVO ! Et encore, une minute c’est énorme ! (…)

Au fond, notre seuil de tolérance à la différence est très vite atteint. Au-delà des discours des personnes de référence de notre enfance (« il faut s’accepter dans ses différences », « chacun a droit au respect de ce qu’il est et de ses idées »), nous avons rarement ressenti profondément dans la pratique que la différence était un élément constitutif, fondamental pour la croissance et l’évolution, et qu’elle était en cela bienvenue. Nous ne l’avons pas apprivoisée ni intégrée comme un ingrédient de base, ni, a fortiori, comme une ressource, une occasion à saisir, et de cela aussi, il résulte bien des difficultés à être heureux.

Pour beaucoup, l ‘accueil de la différence et le respect de tous forment une belle idée à laquelle chacune et chacun souscrit, mais qui reste bien difficile à vivre concrètement dans le quotidien. Si nous espérons passer toute une vie sans nous confronter à la différence, nous nous promettons bien des malheurs.(...)

C’est en s’ouvrant à la différence de son mari plutôt qu’en le jugeant, c’est en comprenant la vie qui l’anime, ce qu’il y a de beau et de vivant en lui derrière la façade ou le comportement qu’elle n’aime pas, que Martine s’ouvre à plus d’humanité : plus d’humanité pour son mari d’abord (« j’aime son côté bohême » constate-t-elle elle-même) et plus d’humanité pour elle ensuite (« moi aussi, j’avais un côté bohème »).

A ce niveau-là, nous ne sommes plus à jouer à qui a tort, qui a raison, qu’est-ce qui est juste et pas juste, qu’est-ce qui se fait et ne se fait pas … Nous touchons sans doute à l’essentiel, à ce qui a un jour rapproché ces deux êtres, à ce qui fait l’âme de leur vie. Et c’est bien ce qui fait peur à l’égo : l’ego s’arc-boute de toutes ses forces pour maintenir ce qui lui donne sa petite identité séparée, malheureuse, contrainte, qu’il connaît si bien. L’ego a très peur de l’élan, de ce qui rapproche, ouvre et libère car il y perd son pouvoir. (…)

Evidemment, le cas de Martine illustre aussi le phénomène connu de l’effet miroir : Martine n’aime pas chez son mari ce que son ego et son personnage à elle n’aiment pas en elle, alors même que sa vraie personne ou son être profond en rêve.

L’effet miroir invite vraiment à une leçon d’humilité : qu’est-ce que je vois chez l’autre que je ne veux pas voir en moi ?

Thomas d'Ansembourg "être heureux n'est pas nécessairement confortable"