Impact de notre perception de l'extérieur
Un des mythes les plus profondément enracinés dans notre société, c’est la croyance que les choses nous arrivent de l’extérieur, qu’elles ont une cause en dehors de nous, parfois au-dessus de nous, une cause indépendante de notre vouloir ou de notre volonté. C’est aussi l’idée qu’il existe en dehors de nous un responsable à notre malheur, à nos difficultés, à notre désespoir. Notre culture, de type essentiellement messianique, nous laisse croire aussi (et nous sommes prompts à nous entretenir dans cette mythologie) que quelqu’un (Dieu pour certains), quelque chose (le hasard pour d’autres), un enchaînement irrémédiable (la destinée, la fatalité ou le sort pour d’autres encore) veille ou pèse sur nous, ou alors qu’il est bien intentionné à notre égard. Cet autre informel est censé devoir prendre soin de nous, apporter des solutions à nos malheurs ou à nos déboires. Avec pour conséquence, s’il ne nous donne pas ce soutien, s’il ne résout pas nos problèmes, le sentiment ou la conviction qu’ »il nous en veut », qu’ »il est contre nous », que « nous n’avons pas de chance ! » ou que « nous n’avons pas fait ce qu’il fallait vis-à-vis de cette entité ».
Ainsi risquons-nous de pratiquer vis-à-vis de nous nous-même la pire des escroqueries : celle de ne pas entendre que nous sommes partie prenante de tout ce qui nous arrive, que nous sommes à la fois des initiateurs et les producteurs de notre propre souffrance.
La souffrance, en effet, est générée par la création, l’implantation ou le réveil d’une blessure originelle, primaire, inscrite en nous en fonction des réponses et des non-réponses de nos proches ou de notre environnement immédiat et significatives tout au long de notre histoire.
C’est la non adéquation des réponses de l’entourage à des demandes, à des attentes essentielles et vitales, qui va se transformer en violence et ouvrir ainsi en nous des blessures parfois très profondes. . Autrement dit, le schéma : violences reçues --> blessures crées ou restimulées --> souffrance produite, fait partie d’un cycle de vie de chacun de nous. C’est l’impact d’un geste, d’un acte, d’une parole reçue dans un moment de vulnérabilité, dans une phase sensible d’empreinte, qui devient violence et qui ouvre le passage à une blessure plus durable que l’évènement déclencheur. Ce n’est pas ce que l’autre fait qui déclenche le plus souvent la violence, mais la façon dont nous recevons ce qui vient de lui. En effet, nombre de blessures originelles inscrites au début de la vie d’un bébé, d’un enfant, ont souvent pour origine des actes qui ne se voulaient pas violents, voire même qui sont passés inaperçus pour celui qui les a posés. Les parents sont étonnés, parfois choqués, et tombent des nues quand ils découvrent, dans l’après-coup, quel a pu être pour leur enfant le retentissement d’un mot ou d’un geste auquel ils n’avaient pas prêté attention ni attaché d’importance.
Jacques Salomé "le courage d'être soi"