LE NON-JUGEMENT
- Observez à quel point vous pouvez avoir tendance à vous identifier à ce qu’on vous colle sur la tête, ou sur le dos … Observez aussi combien vous avez tendance à identifier les autres aux jugements que vous portez sur eux (…) attirer votre attention sur l’importance des étiquettes et du jugement dans nos rapports. Olivia tu as raison de souligner à quel point cela entraine de la souffrance. Ce que tu ressens est tout à fait légitime. Le jugement est à l’opposé de nos besoins d’amour, de reconnaissance, d’appartenance, d’union … C’est la racine de tous nos maux sur cette Terre. Notre objectif dès lors est de VOIR très exactement comment nous créons les conditions du conflit et de la souffrance. (…)
- (…) Remarquez que nous utilisons le terme JUGEMENT dans son sens le plus large possible, c’est-à-dire : quoi que ce soit qui comprend une quelconque évaluation selon un quelconque critère de BIEN ou de MAL. Quoi que ce soit que vous « pensez » de quelqu’un, de quelque chose, ou même de vous-même, avec la moindre interprétation de valeur, vous êtes dans le jugement ! … Dans son sens large, l’impression du « bien » est une impression de « c’est OK », tandis que le « pas bien » sera ressenti comme « pas OK ».
VOIR, ainsi que nous l’avons vu précédemment, implique un regard de caméra, libre de toute évaluation. Pour la caméra, il ne s’agit pas de savoir si c’est bien ou pas, tout est accepté. L’image est ce qu’elle est, la caméra n’en pense rien. Dans notre regard à nous, tout ce qu’on « pense » est déjà une forme de jugement, un déni de l’image telle qu’elle EST.
(…) Le non-jugement, c’est l’acceptation totale, inconditionnelle, sans aucune comparaison, sans évaluation. Quoi que ce soit que vous observez, apprenez à voir depuis un espace intérieur qui dit « OK ». Je ne dis pas que juger est MAL ; ce serait juger également. Ce que je dis est : le jugement est une stratégie d’échec. Cela ne fonctionne pas dans les relations humaines (…) Celui qui juge se place dans une position de dominant, tandis que le jugé est dans la position du dominé, qui est une position d’échec, une position sans puissance, sans pouvoir. Le jugé ne peut se sentir accepté tel qu’il est, ni donc reconnu et respecté. Il se trouve du mauvais côté, du côté perdant. S’il le peut, il va vouloir se défendre et cela risque de ne rien arranger, car chacun confirmera sa position et l’affrontement tournera en conflit. S’il ne peut se défendre il devra se soumettre et ravaler sa rancœur. En aucun cas il se trouve en bonne position pour apprendre quelque chose de façon constructive. Ce jeu de pouvoir est le même à tous les niveaux, qu’ils s’agisse de relations personnelles, d’une équipe de collaborateurs dans une entreprise ou une institution, ou de la Justice d’un pays. Où donc est la solution à ce problème ? (…) La solution n’est pas dans l’idée que n’importe qui peut faire n’importe quoi. Ce serait également l’échec assuré.
La solution est dans une approche permettant à chacun de prendre responsabilité pour ses attitudes et ses actes. C’est la stratégie qui vise à ce qu’il n’y ait aucun perdant, seulement des gagnants. Elle commence par inviter chacun à se regarder lui-même, à se positionner clairement pour lui-même (…) Par conséquent, plutôt que de dire à quelqu’un ce qu’on pense de lui, il est bien plus efficace de demander à cette personne ce qu’elle pense d’elle-même, ou plus exactement ce qu’elle ressent, ce dont elle a besoin, ce qu’elle préconise comme solution. Le non-jugement implique l’acceptation de nos ressentis réciproques, et la capacité de nous recentrer sur eux. C’est une stratégie qui vise à exprimer ce qu’on ressent plutôt que ce qu’on pense, et de demander à l’autre de faire pareil. Et derrière les ressentis, comme vous savez, il y a des besoins qui doivent être entendus et reconnus …
Michel CLAEYS BOUUAERT « Pratique de l’éducation émotionnelle »