NOUS SOMMES CE QUE NOUS PENSONS
- Comment se fait-il que l’on se mette à croire des choses sur soi, qu’elles soient positives ou négatives ?
- Plusieurs explications sont possibles. Tout d’abord il y a ce que les autres affirment à notre sujet. Si, pour une raison ou une autre, ces personnes sont crédibles à nos yeux, alors on peut croire ce qu’elles nous disent de nous.
- Nos parents par exemple ?
- Cela commence en général, bien sûr, par nos parents ou les personnes qui nous élèvent. Un petit enfant apprend énormément de ses parents et au moins jusqu’à un certain âge, il a tendance à accepter tout ce que ses parents lui disent. Cela se grave en lui. Il l’intègre.
- Vous n’auriez pas un exemple ?
- Si des parents sont convaincus que leur enfant est beau et intelligent, et le lui répètent sans cesse, alors il y a des chances que l’enfant se voit ainsi et devienne très sûr de lui. Cela étant, il n’y aura pas que des effets positifs. Il sera peut-être aussi un peu arrogant…
- C’est donc la faute de mes parents si j’ai des doutes sur mon physique ?
- Non, pas obligatoirement. Comme vous allez le voir, il y a quantité d’origines possibles à ce que l’on croit sur soi. En ce qui concerne l’influence des autres, il n’y a pas que les parents. Par exemple, le jugement des enseignants a parfois aussi beaucoup d’impact, en positif comme en négatif. Plus l’enfant est sensible à l’opinion de ses professeurs plus il croit leurs paroles à son sujet. (…)
- Une expérience a été menée dans les années 70 par des chercheurs dans une université américaine. Ils ont commencé par constituer un groupe d’élèves du même âge ayant le même résultat au test du QI : ces enfants avaient donc tous un niveau d’intelligence égal, selon ce test. Ils ont ensuite séparé le groupe en 2. Ils ont confié le premier sous-groupe à un enseignant avec cette consigne « Faites le même programme que d’habitude mais pour votre information sachez que ces enfants sont plus intelligents que la moyenne ». L’enseignant a qui l’on a confié le second sous-groupe s’est entendu dire : »Faites le même programme que d’habitude mais pour votre information sachez que ces enfants sont moins intelligents que la moyenne ». Au bout d’un an de cours, les chercheurs ont refait passer le test du QI à tous les enfants. Ceux du premier sous-groupe avaient en moyenne un QI nettement supérieur à celui des enfants du second.
- C’est incroyable ! Il suffit que l’on amène un prof à croire que ses élèves sont intelligents pour qu’il les rende intelligents ; s’il est convaincu qu’ils sont bêtes, il les rend bêtes ?!
- C’est une expérience scientifique.
- Comment le fait de croire que ses élèves sont idiots peut-il amener un enseignant à les rendre ainsi ?
Il y a deux explications possibles : d’abord quand vous vous adressez à quelqu’un de stupide, comment vous exprimez-vous ?
- Avec des mots hyper simples en faisant des phrases très courtes, en n’exprimant que des idées faciles à comprendre.
- Voilà. Et si l’on s’adresse ainsi à des enfants dont le cerveau a besoin d’être stimulé pour se développer, ils vont stagner au lieu d’évoluer. C’est la première explication. Il y en a une autre, plus pernicieuse.
- Oui ?
- Si vous devez vous occuper d’un enfant que vous croyez stupide alors tout en vous lui insinue en permanence qu’il est stupide : non seulement votre vocabulaire comme on vient de le dire mais aussi votre façon de parler, vos mimiques, votre regard. Vous êtes un peu navré pour lui ou au contraire un peu agacé et cela ne lui échappe pas : il se sent stupide en votre présence. Et si vous êtes quelqu’un qui compte pour lui, que votre position, votre âge, votre rôle font que vous êtes crédible à ses yeux, alors il y a de fortes chances qu’il ne remette pas en question ce sentiment. Il va donc commencer à croire qu’il est stupide.
Laurent Gounelle "l'homme qui voulait être heureux"